Monday, December 31, 2007

passagère

depuis longtemps
sans que j’en aie eu conscience
se niche
sous mon toit
une personne étrange

qui tantôt reste calme
ne se manifeste pas
tantôt s’ingénie à perdre les outils
les papiers
fait des trous dans les murs
et ne les répare pas
démarre mille choses
ne les achève pas
et déboule parfois
en crise que je peux
aujourd’hui qualifier de maniaque

(il y a peu de temps que j’ai ce mot-là)

j’ai vécu très longtemps
dans mon histoire
sans en saisir le fil
ou du moins un des fils qui,
sans cesse,
vient détricoter ce que les autres tissent

cette année-là
j’ai eu l’impression
de dormir à côté d’un mort
c’était indescriptible

comment je suis restée ?
je ne sais pas

accrochée à un rayon
de lumière
j’ai tenu bon

puis

nous avons tâtonné
lentement
cherché
cherché
longtemps

cette personne à nos côtés
passagère clandestine
non identifiée

elle
n’a pas sa chaise à notre table
mais elle est là
qui m’envoie au dehors ou vers des fenêtres comme celle-ci
vers un ailleurs riant et agréable
un ailleurs sans trou et sans déchirure
un ailleurs accueillant, serein
un lieu que je n’ai pas

elle décuple mes forces
m’envoie pas monts, par vaux
dans des lieux insolites
loges, maisons de maître, bureaux, salle de danse, de jeu
lieux garnis de chaises raides, de tapis de mousse bien minces, de grands blocs ramollis,
de matelas garnis
lieux aux accueils divers dont j’ai même eu la clé, quelquefois

elle décuple mes forces et parfois
aussi
elle m’envoie
à mon grand regret
dans des intérieurs douillets
visites
dont il me faut bien du temps
pour me remettre
tant le choc est profond
elle décourage
ceux qui,
autrefois,
nous rendaient visite

et je vis sur la corde raide

mon cardiologue met le doigt sur ma difficulté, content :
trop de naissances et trop d’allaitements
mais c’est simplement de sommeil dont je manque
de sérénité
je m’use
ma tête tourne depuis
un ou deux ans
je craque

le sommeil en allé
le sommeil suspendu
la tête qui ne comprend pas
qui cherche dans la nuit
qui vient s’immiscer dans ma vie
semer l’angoisse et l’énergie
l’énergie insatiable
celle qui se nourrit des blessures

son nom est composé
il y a maniaque
il y a dépression aussi
mais on dit bipolaire maintenant

il va encore m’en falloir du temps
pour comprendre mon histoire
notre histoire
entre moi, toi, et ton double
qui te paralyse
t’empêche de parler
et t’enferme dans un tunnel profond
dont je ne peux résolument pas t’aider à te tirer

depuis qu’elle a un nom
(ou plutôt deux)
elle me fait moins peur

déjà je sens
que tu retrouves un tout petit peu
de clarté
de sourire
et parfois
nous rions

je te sens présent

difficile pour toi
d’accepter
que tu vas prendre
ces médicaments
jusqu’au bout
de ta vie

difficile pour moi
de me dire
que toi et moi
c’est avec elle
nécessairement

soulagement de comprendre
que lorsqu’on s’appelait
c’était souvent
un très long silence
un appel

des centaines d’appels
pour se dire
qu’on était là
au bout du fil

mais qu’on ne pouvait pas trouver la formule
les mots
sur ce que l’on ne comprenait pas

vie d’angoisse
corde raide
tout le temps

enthousiasme
énergie
usure

et puis il y a le nom, les noms de la passagère
alors
à nouveau
un avenir ouvert



Friday, December 07, 2007

Tuesday, December 04, 2007

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