Thursday, February 14, 2008

éponge

J'absorbais
j'absorbais
irrémédiablement
j'absorbais
petite ou grande
depuis toujours
j'absorbais

parfois
je réagissais
en colère
sans savoir vraiment
que je sauvais ma vie

ensuite
j'ai fait tampon
imbibé
résolu
tampon de survie

exposée
surexposée
que j'ai été
à un pessimisme
malade
que jamais
nul ne nommait
que je ne pouvais
nommer


dont je ne suis
je crois
qu'une pauvre réaction
allergique
dont les boutons
éclosent
encore et encore
vers l'air
vers le haut
tandis que je suis
tirée vers le bas
par le poids
de l'éponge
imbibée
alourdie

réaction allergique
au morbide
qui se cachait
tapi
dans notre vie
bien-comme-il-fallait
quand j'étais petite

je suis une réaction
qui fait tampon
une fine strate
une petite étape

héritage triste
goût du morbide
respiré toute petite
fascination de la mort
des blessures
et incapacité à être dans le présent
je les connais

je suis leur allergie

je cherche l'atterrissage
ici et maintenant
tout le temps

Wednesday, February 06, 2008

piège

Beaucoup d'événements deviennent des secrets parce que ceux qui les ont vécus pensent qu'il serait indigne d'en parler à leurs proches, en particulier à leurs enfants, et que s'ils le faisaient, ils risqueraient de perdre le respect de leurs enfants. Ils ont peur que leurs confidences dégradent la bonne image qu'ils pensent nécessaire que leurs enfants aient d'eux: l'image de parents parfaits et ne commettant aucune erreur. Souvent, l'existence du secret est ainsi motivée par l'idée que nous nous faisons de ce que doit être un père, une mère, une famille, ... c'est-à-dire un père, une mère ou une famille parfaits. Or de tels comportements ne sont pas seulement générateurs de secrets. Ils enferment également les enfants dans le carcan d'un idéal pesant, auquel ceux-ci éprouveront plus tard la nécessité de se conformer en toutes circonstances. Ainsi, vouloir cacher à ses enfants les erreurs qu'on a pu commettre contribue non seulement à les exclure d'une partie de notre vie, mais aussi à les emprisonner dans la nécessité de se conformer à des idéaux excessifs. Cet emprisonnement provoque fatalement chez eux une tendance à cacher à leurs parents leurs erreurs et leurs questions. Ils veulent ainsi correspondre à l'image d'eux qu'ils pensent souhaitée par leurs parents, image calquée sur le modèle de celle que leurs parents leur ont imposée d'eux : des êtres parfaits...



Le problème est que, dans ce souci de perfection, plus personne ne communique ses sentiments et ses pensées réelles. Et le désespoir de l'adolescence n'en est que plus grand.


Extrait de Secrets de famille: mode d'emploi, Quand et comment faut-il en parler?, de Serge Tisseron, Marabout, première édition : Editions Ramsay, Paris, 1996.
pp. 59-60