Monday, July 10, 2006

mille rires

j'ai dans ma tête
les rires
d'un vieux monsieur
qui n'y voyait plus guère
sur la fin
de sa vie
et qui pourtant chantait
et qui pourtant riait

j'ai dans la tête
le rire cristallin
de ma chère tante
qui un jour
un beau jour?
réussit dans la Meuse
ce qu'elle avait
maintes et maintes fois
de mille et une façons
entrepris

je crois
que là-bas
de l'autre côté du miroir
on doit rire beaucoup
aussi

ou alors: où sont-ils passés?

je crois qu'ici-bas
il est possible de rire d'à peu près tout
surtout face aux problèmes
face aux difficultés

le rire
le rire
bouge
il est mouvement
le rire
est son
il est vivant

j'ai longtemps eu
un rire tonitruant
ça m'est légèrement passé

j'allais voir les copains
jouer leurs spectacles
ça mettait de l'ambiance
ça entraînait les rires
de toute une salle

j'aimais rire très fort
c'était comme une fêlure
c'était terriblement bon
parce que ça faisait mal
peut-être?...

ce besoin de bruit
pour tuer le silence
pour tuer le vide
pour tuer la peur
pour tuer le manque

je crois qu'il y a mille rires
chacun a son histoire
sans doute

chaque rire d'une personne
peut être différent

ce qui me terrifie
c'est quand une personne
ne répond pas
rien de rien
avec son visage
comme si je n'existais pas

juste devant elle

j'ai appris
des expressions
plus subtiles maintenant
entre le rien et le plein
l'immobile et le vivant
le muet et le tonitruant

j'ai longtemps reçu
l'immobile et muette
expression
d'un visage
qui attendait que moi
petite
je sois impeccable

impeccable je ne suis pas
pas impeccable je resterai
c'est certain
tout en me battant
jour après jour
contre moi-même
pour être un tant soit peu
impeccable et normale
danc ce monde qui vous jauge
à votre degré de normalité
apparente
c'est pas grave
du moment que c'est dans l'image

j'ai souvenir d'une maman gaie
qui riait beaucoup
avec ses copines
ah! que j'aimais son rire!
que j'aimais son visage en mouvement
rayonnant!
je ne vois plus ce visage
il n'est plus gai pour moi
mais pour d'autres, oui

aujourd'hui je suis triste
car je le rends triste ce visage

je gaffe sans cesse
je ne suis pas impeccable
je ne suis pas muette
je ne suis pas silencieuse
immobile
t'inquiète
je suis trop compliquée en tant que fille
qui a fait profession de s'occuper de maternité
qui prend un tel plaisir à faire et à élever des bébés
bébés dont je ne me sens nullement esclave
bébés qui me font découvrir tant de facettes de la vie

non
une maman n'est pas nécessairement une esclave
et
un enfant peut garder
pendant des années
un élan spontané vers sa maman
même si les rencontres font mal
si mal

c'est beau
ou c'est triste
tout ce temps de gâchis
quelquefois

entre rêves déplacés
l'impossible adéquation entre les rêves de l'un à l'autre
et ce que chacun devient

l'impossible adéquation entre ce que je découvre
le bonheur de voir jouer un enfant
mon insouciance s'il ne veut pas terminer son assiette
mon désir de le respecter dans les choses qu'il ressent

ma terreur de petite fille
quand tu répètes
que la vie ça fait mal
que c'est moche
et qu'on doit s'y habituer

résidus de manqués

assez
de ces activités
auxquelles je ne comprends rien
parce que tu les prenais totalement en charge
à la maison

ces activités
qu'on ne m'a jamais fait partager
aimer

je ne sais pas cultiver un potager
si jarrose une plante
je la noie
ou je la brûle - c'est selon -

j'ai de beaux diplômes
mais je passe pour une handicapée
et personne ne peut comprendre
autour de moi
que j'ai peur de noyer une plante
peur de l'arroser trop fort
il est des handicaps qui ne se voient pas

je ne sais pas tapisser
en peinture, j'en mets trois fois trop
je veux que ça se voie
je n'ai pas la mesure des choses
parfois, je ne sens pas

on y arrivera peut-être
à se rencontrer
qui sait?
à rire encore
ensemble

tu vois
j'ai grand besoin de toi

pas besoin d'être aveugle
amoureux
ou schizo
pour rire tout son saoûl

pas besoin d'attendre
que quelqu'un tire sa révérence
pour oser
se prendre
un furtif instant
dans les bras

il suffit d'être en vie
c'est pas dur
et c'est tout

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