Sunday, August 03, 2008

molécule

à quoi ça tient?


à la lecture d'un roman d'Alexandre Jardin
à un changement de médoc qui a subitement rendu son énergie à mon homme
au retour de mes petits-grands de leurs camps dans la verdure
à une rencontre plaisante qui a égayé mon après-midi

à un air de frais dont se pare notre maison
à ma résolution de ne jamais cesser de bousculer la vie
à ma non-demande à mes enfants de s'encombrer d'une responsabilité quant à mon bonheur

à mes changements d'humeur répétitifs
mes hauts
mes bas
et à l'homme qui supporte et apprécie cela - selon les moments - depuis presque 20 ans

à ma rage lorsque l'on me dit que l'on me connait et que l'on se conduit en mort vis-à-vis de moi
que l'on me considère malade
alors que je couve un petit, simplement
que l'on s'enquiert de ma santé
comme si je me résumais à un corps en banqueroute, détraqué, épuisé
comme si l'on n'attendait que ma chute, inéluctable, tant mon chemin déçoit ceux qui attendent je ne sais quoi de moi, depuis tant de temps, de façon, ma foi, touchante de naïveté

comme la petite princesse de Tony Ross,
je ne veux pas être gentille, affectueuse, propre, courageuse, bonne nageuse, intelligente et en bonne santé
je veus être grande
et je le suis déjà
semble-t-il

n'ayons crainte de bousculer gaiement ceux qui nous supplient tacitement depuis quarante années de surtout les ménager, car ils vont mourir bientôt, disent-ils
si c'était pour me demander de poser sans bouger pour des photos convenues, figées,
pourquoi m'avoir tant voulue?
pourquoi encore tenter de me déterminer?

je n'ai pas voulu ce bébé qui arrive avec ma tête
et pourtant, je l'accueille presque chaque jour avec joie
petit invité surprise trouvera sa place à notre table,
on se poussera un peu
j'invente déjà des projets pour lui et moi, pour lui et nous
il est bien là, il nage en paix

une femme sage m'a demandé l'autre jour, alors que je la consultais, comment je me sentais
surprise, je me suis sentie regardée comme une personne et non comme un gros bide
dans tous les sens du terme

alors
elle me toucha le ventre
avec des mains chauffées d'une huile
doucement odorante

après m'en avoir demandé
avec vérité
l'autorisation


dans une douceur qui m'était
jusqu'alors inconnue
dans des mains aguerries
à la discipline médicale

le chemin jusqu'à son petit bureau de consultation
là-bas
dans la campagne
fut bien tortueux, ma foi
bien long en temps
en étapes


pour aboutir
à une rencontre simple

je passai
tant d'années
à ramasser
un à un
des cailloux

telle un petit poucet
largué dans une jungle
parce qu'il faut savoir se battre dans la vie

j'avais eu beau
vouloir fermer mes oreilles
oui, surtout, absolument, les fermer
au secours...
à la philosophie
du darwinisme paternel
qui croyait que quelques mots
régulièrement répétés à mes oreilles

allaient me faire touver des solutions
concrètes
moi, élevée en chambre à la froide mamelle des Gaffiot, Larousse et autres Langenscheidt
pâles représentants de ce qu'ils sont sensés vous donner à goûter
comme le son d'une cloche fait saliver des chiens
conditionnés à associer
tintement et morceau de viande
oui, j'avais le tintement
je n'avais pas la viande
heureusement qu'un jour, elle m'a trouvée,
pleine de synapses
de neurotransmetteurs
d'hormones
et de chaleur

moi
prête à jouer ma huitième et ultime représentation de
"la baleine"
mon metteur en scène désirant changer
non de distribution
mais de dramaturgie

prête à lancer encore quelques années
de jets
si plaisants à laisser s'écouler

prête encore à servir de perchoir,
de jambes
pour un tout-petit
qu'il se sente grand

et même disponible
si des petits enfants
un jour
veulent user de mes jambes pour marcher
gaiement
de mes genoux
pour sauter en l'air
ou s'arrondir
doucement

à quoi ça tient?

5 comments:

Unknown said...

C'est très beau, très fort.

je reviendrais lire ça, en prenant le temps de digéré les mots et leur son

je ne sais pas pourquoi mais pour l'instant, ça m'évoqué un ami perdu au détour d'un mal entendu il y a 10 ans. Petit, il voulait dresser des Cailloux.

il tenter de leur apprendre à sauter dans tes petits cercle, pour entrer au cirque.

Il a passer des après midi a tenter le tour de force, dresser des caouilloux, pour qu'il ne cesse de nourir son imaginaire de petit garcon.

Cécile said...

Ce texte, je le reçois comme une nouvelle naissance, un élan retrouvé, une revanche, un pied-de-nez... ta vie de maman se poursuit et recommence et tu vas apprendre, encore et plus fort, à marcher sur ton chemin, parce que tu offres des jambes à qui t'en prêtes aussi.
Je t'embrasse, Ingrid. Porte-vous bien.

Sybille said...

Merci pour ce joli moment que je viens de passer à te lire!
Moi qui, depuis des semaines, essaye de me reconnecter aux petites choses positives de la vie ; cela fait des semaines que je fuis, vide et si plein en même temps de questions, de doutes, de désespoir. Tes mots m’ont fait sourire ce matin et m’ont aussi rappelé que l'on doit vivre avec le désespoir de ses parents (un chemin de vie différent que celui qu'ils auraient voulu, un coup de pied dans la fourmilière, tous leurs repères chamboulés et le résultat : des conflits, des paroles blessantes, des ruptures temporaires; une vie différente, notre vie à nous, avec ses joies et ses peines, avec leur passé souvent trop lourd mais avec l'avenir qui m'appartient !!!
Merci pour ce joli moment qui m’a fait du bien ce matin! Bien à vous.
Sybille.

S. :) said...

Il m'en aura fallu du temps pour arriver à poster un commentaire...
J'ai lu ton texte, je l'ai relu. Re-relu encore plus tard. Quelle force s'en dégage!!!

Ingrid van den Peereboom said...

La force va et vient.
Un coup de fatigue et ça redescend un instant.
Pas pour tout le temps, j'espère!!!

Amis perdus en cours de route, pour des malentendus, c'est dur. Je connais bien.

Amis surprise qui viennent - ou qui reviennent - quand d'autres ont quitté mon chemin, ça fait du bien.