Saturday, December 28, 2013

Ecrire

parce que
je ne sais pas faire
autrement

parce que
j'exprime
ce que je ressens
vis
traverse

comme je respire

parce que la langue
que dis-je
les langues
les mots
sont pour moi
tant de chants

et les langues
dans une seule

avantage
des déménagements
s'il en est
je vois
celui-là

c'est la connaissance
intrinsèque
des variantes
d'une même mélodie

avec des bémols
par-ci
des dièses par-là
des mots qui se comprennent
et ceux
qui ne voyagent pas

langue
unie
désunie
langue
qui ne se comprend
que lorsque l'on gomme
les différences
pour en venir
à l'essentiel

ce qui passe
à travers
les champs de betterave
la Champagne
et tous les fleuves
qui se trouvent
sur le chemin parcouru

langue

ma langue
est en petits morceaux
que je colle
doucement

que je gomme
pour être comprise
ici
ou

ou que je ne gomme pas

langue
qui se parle avec les accents
qui a le tonus
le chant
de son sol

langue
transmise
à mes enfants
qui
comme moi
ont pour accent
un mélange
indéfinissable
qui fait quelquefois croire
qu'ils sont d'ailleurs
alors que non
au fond

langue
celle qui se travaille
comme on cisèle
au marteau
fin

langue
de mon coeur
et de mes mains
qui courent
sur le clavier

comme
on court
sur celui d'un piano

langue
qui s'écrit
avec toute la précision
dont je suis capable
parce que
c'est mon exigence intérieure
c'est mon angoisse suprême
torturer la langue
cela ne se fait pas

les phrases
se modèlent en douceur
se lisent
à foison
encore
et encore
jusqu'à
ce que
satisfaction
ou
tout au moins
justesse
s'en suive

langue
qui signale mes pas

mes départs
mes envols
mes trains
mes arrivages

mes sauf-conduits
traversées

mes élans
mes envies

et puis
il y a
l'obsolescence
de la négation
du renoncement

la conscience acquise graduellement
du pouvoir de quelques mots
tapés en un instant

mots qui changent tout
qui disent

mots nus
qui désagrègent
quelquefois
le silence
le temps


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