Sunday, September 27, 2009

le yoga

d'attention
me rappelle la quête de Dorian Gray (en négatif)
entraperçue au lycée au cours d'anglais
et reprise (quel piège!) lorsque j'ai dû choisir
un sujet de mémoire de licence.
Dorian prononce un voeu tandis qu'on lui fait le portrait.
Il souhaite rester toujours jeune.
Cela se réalise.
Son apparence se fige.
Il goûte à tous les plaisirs des sens
possibles, trahit, traverse la vie des autres
sans que la moindre trace ne marque son visage, son corps.
Rien ne semble l'atteindre.

Je crois
au plaisir
de chaque instant
celui de saisir une forme
dans les choses usuelles
et de les apprécier
abstraitement
de goûter les couleurs
d'un tableau figuratif
comme s'ils s'agissait
d'une oeuvre abstraite
je n'ai pas besoin de connaître l'intention
j'aime voir le geste
regarder passer
les passants
devant une terrasse
et observer
les démarches
les déhanchements
les allures contrastées
étonnantes
les corps
tellement différents
et ressemblants

lorsque je vivais
en région parisienne
une sensation
me manquait cruellement
et même
sur mon vélo
je ne la toruvais pas
il me manquait le vent
le vent dans les cheveux
le vent sur ma peau
j'avais besoin de cette caresse
à défaut de toute autre
et je ne l'avais pas

le livre de Daniel Odier
m'a appris à penser
simplement
que l'air que je respire
désire venir en moi
et que chaque petite chose
est source de plaisir

j'aime cette optique
et
j'aime toujours le vent

une vision immédiate
sans référence
au sens
sans complication

de l'ordre de l'imprégnation...

lorsque j'étais enfant, mon père,
psychologue de son état
(et là, je m'abstiendrai de
plaisanter sur la façon dont
sont chaussés les cordonniers),
me racontait en riant
que certaines personnes
se prenaient pour une éponge

je crois que j'étais vraiment une éponge
devant des séries de Monet
- tas de foins ou cathédrales -
j'ouvrais tout grands mes yeux
et tâchais d'absorber
tout ce que je pouvais
- idem sous un grand mobile de Miro -

il y a des choses que l'on boit des yeux
que l'on mange des oreilles
que l'on entend ou respire avec la peau

il y a des correspondances
des échos
tout simples
qui ne nécessitent
aucune fumette

de ces choses bizarres
qui vous font décoller
et qui ne sont pas loin

comme le feuillage des branches
la forme d'un sanitaire
ou celle d'une fourchette




« notre corps a une capacité illimitée de s'accorder au monde avec une précision, une grâce et une spontanéité extraordinaires si nous cessons de le bloquer par notre pensée qui se réfère toujours au doute, au regard des autres, à la culpabilité, à la peur fondamentale de n'être rien. » (p. 83)


" Cette attention à la vie (...) coïncide totalement avec le flux rapide de l'esprit.
Elle ne nécessite pas de préserver d'importantes plages horaires à la pratique, elle ne nécessite l'adhésion à aucun principe, l'achat d'aucun matériel et on peut la faire n'importe où.
C'est ce que dans le tantrisme cachemirien on appelle les micro-pratiques.
Rien n'est plus efficace, rien n'est plus simple, rien n'est plus profond.
Ce ne sont pas des préliminaires, c'est la pratique intégrale du tantra dans toute sa splendeur.
Il n'est pas de plus haut aboutissement." (p. 97)

" les sens nous communiquent leur moisson continue dans une fraîcheur absolue qui n'est marquée par aucune imprégnation.
Il n'y a plus de dualité, plus de distance entre le monde et le yogin qui s'émerveille alors de tout ce qui affleure dans cette conscience.
C'est cette conscience qui opère chaque fois qu'il y a un instant de présence totale à la réalité d'une sensation, d'une pensée ou d'une émotion.
Le jeu de cette conscience centralisatrice et neutre ne vient rien ajouter à la perception, ne vient pas la comparer à d'autres, ne vient pas nommer, étiqueter ou dévaloriser ou exagérer tout ce qui se présente à nous.
Cette expérience de la sensation nue, sans écho, chacun peut en faire l'expérience en pratiquant quelques semaines le yoga de la présence (...), et toucher ainsi sa réalité." (pp;103-104)

"La détente permet à la conscience immaculée d'émerger, la présence dans l'action permet à cette même conscience de se déployer vers le monde, de le toucher profondément et de le laisser revenir à la source du Coeur où chaque personne retrouve fraîcheur et frémissement." (p.111)

"une sorte de grand nettoyage qui touche au plus profond de notre être". (p. 116)

"tout ce qui lie, fait souffrir, angoisse l'être absent au monde est pour le pratiquant du yogâcâra, du Chan et du tantrisme, le lieu même de sa libération continue." (p. 117)

"Le yoga d'attention à nos perceptions olfactives nous fait pénétrer dans un monde infini. L'attention aux odeurs des choses donne rapidement l'impression de revivre, de retrouver l'usage d'un sens qui a assuré notre survie et qui s'est un peu dénaturé avec le temps. Nous serons surpris par toutes les informations que notre nez nous fournira dès que nous ferons pénétrer la conscience dans cette activité." (p. 121)

Désirs, passions & spiritualité, Daniel Odier, Éditions Pocket, (1999)


* Je me souviens de ma rencontre avec la cannelle. J'étais adolescente, de passage aux Etats-Unis. On m'a fait goûter un plat contenant de la cannelle et j'ai appris le mot "cinnamon", que j'associe, encore, au plaisir que cette épice me donne. Avec l'accent tonique bien placé, ou je commets un crime, comme de bien entendu ! (On est tous chatouilleux quelque part; moi, je suis chatouilleuse de l'accent tonique...)

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